Une année avant
sa mort, en 1987, Andy Warhol produisit une série de tableaux
qu'il intitula tout simplement "Camouflages". Mesurant parfois
plus de quatre mètres de long et presque trois mètres de haut,
les surfaces de ces tableaux furent réalisées à l'aide de techniques
mécaniquement reproductibles par l'utilisation de la sérigraphie
avec davantage d'applications à base de peinture synthétique
polymère sur toile. La série "Camouflages" constituait la dernière
partie d'une série plus étendue de tableaux réalisés au cours
des dix dernières années de la vie de l'artiste, tous étant
apparemment "abstraits", stratégiquement situés et faisant référence
à une histoire antérieure de la peinture "moderniste" ou abstraite.
Ces tableaux semblent en fait s'offrir tel un ensemble de "citations"
d'importants artistes abstraits du vingtième siècle, transformant
les origines les plus privilégiées de l'abstraction. Ainsi chaque
série oscille entre une reconnaissance affichée des plus éminents
précurseurs de Warhol et la suggestion, adressée au spectateur,
d'une répétition connue, d'une parodie même, du passé le plus
illustre de la peinture. La plus connue des autres série est
sans aucun doute "Oxidation" , qui est une ré-interprétation
scatologique des "drips" de Pollock. Un certain nombre de tableaux
"abstraits" sont également inclus dans les dernières séries,"Shadow",
"Egg", "Yarn" et "Rorschach"; la série "Camouflage" étant la
dernière. L'année de sa mort, Warhol a également réalisé un
portfolio de huit sérigraphies, dont toutes les empreintes étaient
une fois de plus agencées comme des modifications variées, comme
des "citations" reproductibles d' "abstractions" de camouflages.
L'utilisation du camouflage dans
cette dernière série n'était pas nouvelle pour Warhol. Il avait
déjà utilisé ce motif dans un portrait de Beuys, dans une représentation
de la Statue de la Liberté et dans la version sérigraphiée de
la "Cène" de Léonard de Vinci, également exposés la dernière
année de son existence. Sa façon de placer le camouflage dans
son autoportrait de 1986, peut même laisser suggérer que ce
dernier tenait lieu de "signature" pour Warhol, un signe pouvant
être associé à un nom, à un héritage. Mais l'utilisation du
camouflage comme motif "purement" abstrait pose un certain nombre
de questions qui ne peuvent le réduire à la simple signature
du style de Warhol ou à sa démarche stratégique. Autrement dit,
je désire suggérer que l'utilisation du camouflage dans les
dernières séries de Warhol ne pose pas uniquement des questions
sur la réflexivité de la peinture abstraite contemporaine en
tant que dépassement de l'héritage du Pop Art. Le mélange inhabituel
mais non moins stratégique du vocabulaire de ce courant à celui
de "l'abstraction", dans la série "Camouflage" de Warhol, suscite
des interrogations sur l'avenir de la peinture après les diverses
fins annoncées ces dernières décennies, mais aussi sur le deuil
qui les accompagnait. Enfin, les dernières séries de Warhol
soulèvent la question de la force de toute revendication favorable
à la domination de l'abstraction "pure" et "moderniste". Cette
dernière question s'impose d'autant plus que la prépondérance
de ces notions d'abstraction "pure" et "moderniste" est reprise
par Warhol dans de nombreuses discussions sur l'avenir de la
peinture "abstraite", notamment dans celles qui commencent à
organiser le moyen de conforter et de soutenir les possibilités
critiques de la peinture, ayant trait à sa relation avec, mais
aussi à son détachement de, son héritage "moderniste".
L'utilisation du camouflage dans
les dernières séries de Warhol offre la possibilité de confronter
deux histoires de la peinture apparemment inconciliables avec
le vocabulaire du Pop Art, désormais explicitement lié à la
tradition "Expressionniste Abstraite" qu'il était supposé détrôner.
Les tableaux de la série "Camouflage" semblaient s'assigner
comme but le plus immédiat d'ironiser quasi-délibérément sur
les tendances historiques de l'abstraction dans l'art pictural
du vingtième siècle. D'après sa seule échelle, la série "Camouflage"
énonce et parodie clairement l'histoire des objectifs les plus
ambitieux de la peinture abstraite qui voulait créer un art
progressiste aux dimensions monumentales. Elle a curieusement
ré-articuler la valeur de termes tels que le "color-field" ou
le "all-over". En rappelant ses utilisations et son contexte
militaires, le camouflage re-situe également les termes de la
peinture d'"action"; comme si les "drips" de Pollock, déjà évoqués
dans la série "Oxidation", était le produit de quelques minuscules
"soldats" automatisés plutôt que celui du travail du héros effronté
si célèbrement représenté dans les photos de Hans Namuth. Comme
l'a suggéré Thomas Kellin, le nombre de " citations ", qui ne
cessent de s'accumuler dans toute cette série, tout comme le
choix des couleurs de certains tableaux, déplacent le sens militaire
premier du camouflage vers celui du disco psychédélique, évoquant
les années 60, ou faisant référence à ce que Harold Rosenberg
a appelé les " murs peints apocalyptiques" des "Peintres américains
d'Action"; l'étendant même jusqu'à englober et ré-interpréter
"Les Nymphéas" de Monet dans l'Orangerie tout autant que les
dernières "gouaches découpées" de Matisse. Bref, l'une des plus
célèbres histoires du "Modernisme", et l'une des mieux racontées,
est inscrite, illustrée, sur quelque chose d'aussi simple et
banal qu'un énorme panneau de camouflages, avec ses effets d'optique
et sa "platitude". Elle doit ainsi faire face à son image, réduite
à un ensemble de formules et de parodies prescrites. L'histoire
du modernisme est en somme vidée de toute profondeur, de tout
art, de toute histoire et de toute signification expressive
par une présentation auto-référentielle et calculée, mais impersonnelle,
d'effets stratégiques de surface et de provocations certaines.
Si la série " Camouflage " de Warhol
est réputée comme étant particulièrement effective de par son
économie, son humour et sa lucidité, et si l'on peut attester
de l'influence incontournable que cette dernière série de tableaux
a eu sur les termes critiques et la " nature " de la récente
peinture abstraite, cela repose sur les façons dont les articulations
et les champs de couleurs purement abstraits, expressifs et
formels, furent non seulement achevés mais également constitués
comme une histoire pouvant être récitée et redite dans des styles
identifiables et reconnaissables. Ces derniers sont donc des
aspects, des codes d'un passé " moderniste ", immédiatement
associés à des noms d'artistes ou à des tendances de générations
spécifiques, et leur " unité " historique suggère que ces codes
peuvent être à présent " lus ", manipulés et répétés consciemment
comme des " signes " identifiables et reconnaissables, comme
des " images " passées de l'art pictural. C'est en tant que
" styles ", " codes " et " signes " bien plus qu'en tant que
gestes d'expression ou de composition d'éléments abstraits,
en tant que représentation de tableau bien plus que comme un
vocabulaire historique sanctionné par ses conventions, que l'exposition
et l'exhibition réflexives de motifs abstraits, tels que le
camouflage, étendent les références traditionnelles de l'Histoire
de l'art du " Modernisme " à un niveau plus large, atteignant
une signification et des implications technologiques, politiques,
économiques, culturelles et sociales. Ces implications sont
saisies dans l'étalage des références que les " codes ", les
" signes " et les " images " de formes abstraites semblent maintenant
incarner (les titres des dernières séries de Warhol organisent
clairement les références et les possibilités de représentations
suggérées à partir de ces " codes " et de ces " signes " abstraits
.). Par extension, ces signes d'abstraction ont la capacité
de s'approprier et d'exploiter un plus grand nombre de problèmes
contemporains, permettant la cartographie des métaphores technologiques
sur la peinture et ainsi l'apparente garantie de sa pertinence
critique contemporaine, notamment par les métaphores d'" écrans
", d'" interfaces ", de " scansion " et d'" informations ".
Le camouflage suggère donc par son
ironie que l'histoire de l'abstraction du vingtième siècle n'est
devenue qu'une simple étude du mur peint décoratif au cœur même
des revendications les plus ambitieuses de l'art moderne ; le
camouflage ne serait qu'une perverse allégorie de tous les progrès
héroïques de l'avant-garde. Parallèlement, la tradition hermétique
et abstraite du " Modernisme " semble parvenir à sa fin avec
Warhol, sans éclat ni complainte, mais comme un jeu manufacturé
de signes, de codes, de métaphores et de travestissements stylistiques
notables, circulant inlassablement telle une image de la peinture,
blasonnée d'une pléthore de couleurs immédiatement identifiables
par la culture populaire, les médias, la publicité, et même
l'armée. Un métissage éclectique ou pluraliste des attitudes
et des postures est célébré après la fin de la tradition, des
conventions et des contraintes " modernistes ". En somme, la
dernière série de tableaux " abstraits " de Warhol dépasse dialectiquement
le passé " moderniste " de la peinture tandis qu'elle inaugure
une revendication particulièrement puissante en faveur de la
pertinence contemporaine de l'abstraction comme signes reproductibles
et pouvant être référencés, ayant des implications métaphoriques.
En effet, c'est ce mouvement de référence à l'histoire de la
peinture, réduit à un ensemble reproductible de signes stylistiques,
qui rend possible une large discussion sur l'œuvre " abstraite
" contemporaine ainsi que sur ses revendications concernant
l'avenir de la peinture. En élargissant les termes des séries
" abstraites " de Warhol et en les appliquant à toute son œuvre,
les récents arguments en faveur de la poursuite de l' " abstraction
" en peinture s'avèrent capables de promouvoir " une critique
de la représentation " alors que parallèlement, ils évitent
tout " retour " à la figuration : la peinture se maintenant
comme critique sociale passant précisément par la réunion et
l'orchestration des formes abstraites comme signes chargés d'implications
" expressives " et métaphoriques. Ainsi, ce qui apparaissait
au début comme une reconnaissance contradictoire de deux traditions
du vingtième siècle apparemment distinctes ( celles du
Pop Art et de l'Expressionnisme abstrait) se révèle plutôt être
un jeu dialectique des tendances historiques de l'art, arbitré
par la domination du populaire sur l'Abstraction : une histoire
tranchée de façon décisive par Warhol lui-même, et reprise ensuite
dans les termes d'une défense plus récente de la pertinence
sociale et critique de la peinture abstraite dans un contexte
contemporain.
La lecture des implications et des
influences de la série " Camouflages " de Warhol, serait alors
plus ou moins, une invitation à tester l'étendue de la connaissance
historique de chacun sur le champ des références que ces œuvres
semblent exprimer, ou soulèverait plus ou moins la question
des possibilités d'existence d'un mouvement au-delà de certaines
limites du " modernisme " en quelque chose que nous pourrions
peut-être souhaiter préfixer d'un " post ", de façon presque
estimative, presque historique. L'hétérogénéité des références
culturelles ou des médias, soulevée par l'œuvre de Warhol, se
substitue désormais aux déterminations téléologiques des progrès
historiques de l'art : pluralisme, métissage, libre cours à
l'arbitraire et signes stylistiquement déterminés subrogent
aux revendications en faveur d'une réduction essentialiste ;
une politique inclusive et une vue d'ensemble des questions
concernant la technologie remplacent l'ontologie et la focalisation
sur l'exploration rigoureusement exclusive des conventions du
médium ; l'inspiration irrévérencieuse des tableaux " piss "
de Warhol, se substitue clairement à la piété de la célèbre
notion de " pureté " de Clément Greenberg. Par dessus tout,
travailler en passant par l'héritage de Warhol et du Pop Art,
permet à la peinture de regagner une position prédominante,
après plusieurs décennies de souffrance qui furent jugées respectivement
comme l'effet de son inconséquence historique, théorique et
critique. Cette dernière, une fois annoncée par une interprétation
du Pop Art et de son héritage, a été remplacée par une compréhension
plus nuancée des dernières œuvres de Warhol, une situation mise
en place par Warhol lui-même dans les dernières années de son
existence, et reprise encore aujourd'hui comme dimension de
l'avenir de la peinture abstraite. En somme, cette première
inconséquence de la peinture comme médium autonome, a été remplacée
par la reconnaissance, l'exposition et la démonstration de la
contingence du tableau comme outil critique, théorique et historiquement
déterminé. La capacité et la volonté d'englober cette contingence
seraient alors une mesure, non seulement, de la capacité et
de la volonté de la peinture d'affronter son avenir mais aussi
du déplacement de toute focalisation sur la peinture comme médium
autonome vers une étude de ses moyens d'exploration et de soutien
des différences critiques et de sa nouvelle pertinence socio-culturelle
dans le monde contemporain.
Face à cette série récente de Mick
Finch, oscillant entre les différents tableaux, nous sommes
immédiatement confrontés à deux histoires de la peinture apparemment
inconciliables, exposés à deux pratiques du passé distinctes
en apparences, celles de l'Abstraction et du Pop Art, à présent
réunies dans cette même œuvre. Autrement dit, cette série est
disposée comme si elle était le dénouement présent de sa dépendance
historique et critique, comme si le " sujet " même de ces tableaux
était aussi une reconnaissance et un aveu de leurs conditions
préexistantes et de leurs sources disjointes. C'est en ce sens
que les tableaux semblent se tenir devant nous, comme s'ils
avaient été marqués par le récit de leur naissance, par leur
processus conceptuel et physique et par leur façon de se réaliser.
Leur nature relève peut-être moins de l'auto-justification,
l'auto-affirmation et l'auto-conviction que de la façon inévitable
dont l'œuvre suppose, reconnaît, déploie, et montre la dimension
de sa contingence.
La première histoire que l'œuvre
rappelle est plus ostensiblement l'histoire de l'abstraction
et plus particulièrement celle du langage de l'abstraction,
d'un ensemble de conventions picturales, qui voyage entre un
modèle ou une ornementation explicite et un maniement plus conscient
des effets de surface, entre un processus et des motifs décoratifs
et répétitifs, entre des formes géométriques " hard-edged "
et une gestuelle plus spontanée en surface.
Par le positionnement de rayures
verticales et adjacentes, le choix de formes abstraites et singulières
est peut-être rendu plus visible dans ces tableaux où la prééminence
est placée au niveau de la forme propre et à la limite extérieure
de la toile. La verticalité dominante de ces rayures est ensuite
renforcée par de plus nombreuses rayures fines et horizontales,
qui s'entrelacent aux verticales, comme si elles créaient un
harnachement reliant les toiles entre elles. Chaque tableau
semble ainsi se composer rigoureusement par le biais d'une série
de liens symétriques, cohérents et par des éléments formels
; l'œuvre se constitue au sein de, et en tant que, cette surface
de couleurs variées et cette trame faite de dégradés chromatiques.
L'apparence de cette trame est également renforcée par les ruptures
occasionnelles et symétriquement égales des rayures verticales,
marquées par des gouttes, des ajouts ou des suppressions de
peinture, des ruptures toutes plus ou moins spontanées, qui
ne perturbent pas l'impression générale de maîtrise des applications
et cohésions de la peinture sur la surface, du jeu des dessins
qui se donnent à voir. Par delà cet ensemble se dégage une impression
supplémentaire: la série semble présenter un mouvement méticuleusement
orchestré de tensions optiques articulées, tensions rendues
apparentes par les déplacements structuraux et les dégradés
chromés des éléments visibles des tableaux. Grâce à ces gouttes,
nous prenons particulièrement conscience de l'exigence de la
maîtrise du tableau, du calcul de leur longueur, de leur symétrie
parfaite, ainsi que du travail horizontal du tableau (car les
gouttes coulent vers l'extérieur, en relation avec les bords
de la toile). La signification est donc forte et mesurée, l'œuvre
entière est une machinerie visuelle, de gravité et d'anti-gravité,
d'horizontalité et de verticalité, de surface plane et de relief,
de contractions et d'expansions, de séquences décoratives et
d'autres plus spontanées, de l'instantanéité des " gouaches
découpées ", du pochoir imprimé, et des bords dissociés du tressage
et de l'infiltration infinie de couleurs.
Formulé ainsi, il serait alors possible
de suggérer que les tableaux sont également composés d'une série
de " citations " issues de l'histoire de l'abstraction et que
cette ostentation d'effets de surface méticuleusement maniés,
nous rappelle les citations des œuvres issues de l'art abstrait
du vingtième siècle. Autrement dit, ces tableaux semblent quasiment
souligner leur façon de créer les effets visuels, effets d'un
côté inscrits par la rigueur calculée des éléments formels et
chromatiques, et de l'autre, par la tentation de donner à ces
effets des correspondances ou des sources plus précises, la
tentation même de les associer à certains noms prestigieux ou
à des mouvements d'histoire de l'art antérieurs. Face à l'héritage
de Warhol, cela suggérerait que ces tableaux semblent hésiter
entre la reconnaissance de l'abstraction comme style, ou histoire
de styles, ou comme une série de conventions picturales, désormais
réutilisables comme vocabulaire spécifique. Parallèlement et
toujours comme condition de l'héritage de Warhol, cette œuvre
semble évoluer au sein d'une crise inquiétante, difficile mais
non moins stratégique entre son style identifiable, sa singularité
qui est aussi sa " signature ", et les façons dont ces tableaux
transmettent la narration de leur dépendances historiques et
critiques. En réalité, cette signature unifie les tableaux en
série et donne la parole non seulement au jeu des sources historiques
mais aussi à la lecture de leurs éléments formels comme signes
autonomes et culturellement identifiables.
Considéré en ces termes, c'est ici
que le motif du camouflage entre en scène. Manifeste dans la
série " Trellis ", chaque œuvre est soulignée par un cadre ornemental,
modelé ou décoratif. Evoquant apparemment le motif du camouflage,
ces bords constituent un dispositif d'encadrement qui rend à
la fois explicite le format de la toile et l'absence de cadre
réel qu'ils remplacent. Parallèlement, le camouflage délimite
l'intérieur du tableau où les rayures peintes et griffonnées
reposent, verticalement et horizontalement, en travers d'une
surface intérieure rectangulaire, tout en s'infiltrant à l'extérieur
des limites du camouflage. Le jeu entre les bords de ce dernier
et les rayures horizontales et verticales tend à renforcer l'impression
que le centre de ces tableaux avance vers l'observateur tout
en reculant. Ces toiles se vident, tandis qu'elles dissimulent
ce qu'elles semblent également désirer montrer. Les bords du
camouflage semblent jouer un rôle structurel non seulement dans
la composition générale mais aussi dans les stratégies conscientes
et articulées qui tendent à créer des effets de surface très
spécifiques. En fait, ce n'est sûrement pas une coïncidence
si le camouflage rend visible son éventuelle invisibilité dans
des contextes stratégiques et spécifiques, car avec ce motif,
les choses sont toujours soit plus proches que vous ne le pensez,
soit plus éloignées, fascinant le regard par une sorte d'effet
magique. De la façon la plus paradoxale qui soit, le camouflage,
par son motif hautement manifeste, étale et démontre son invisibilité.
C'est le signe même de sa dissimulation. Il fonctionne mieux
lorsque son identité de motif composé est subsumée et recomposée
dans un contexte homogène, son caractère remarquable et sa configuration
de couleurs servant à garantir son éventuel effacement. En tant
que signature de ces tableaux en général et comme signature
chargée d'une histoire spécifique, il y a probablement aussi
une stratégie et une tactique conscientes dans le travail et
la manœuvre du camouflage dans le champ du tableau ainsi que
dans sa façon de promener notre regard à travers sa surface.
D'un côté, l'utilisation du camouflage
semble donc situer ces tableaux dans une lignée spécifique,
établie par Warhol, et manifestement liée au mouvement et à
la transformation de l' " abstraction " en une série de signes
et de codes identifiables. A ce niveau, les tableaux deviennent
des " représentations " de la peinture, offrant la possibilité
de dépasser le " tableau " comme médium et de demander qu'il
se ré-établisse en d'autres termes, selon une autre perception
de l' " abstraction ", peut-être même de penser la nomination
et la re-découverte d'une signification radicalement différente
de celle du passé. Afin d'établir ces différences, l'œuvre tend
à se distinguer en refusant les termes ou les conventions traditionnelles
du " tableau " comme médium. Le camouflage serait donc le signe
de cette différence, le signe d'un complément apporté au rôle
plus traditionnel du tableau dans l'histoire de l'abstraction,
un moyen de dépasser toute signification des arguments essentialistes
et réducteurs du " Modernisme ". Il constituerait l'emblème
des effets critiques que l'œuvre cherche à imposer, et le symptôme
bien connu des stratégies visuelles auto-référencielles employées
dans ce processus.
De l'autre côté, la spécificité avec
laquelle le camouflage est manié dans cette série, semble placer
l'œuvre au-dessus de toute réconciliation dialectique entre
l' " abstraction " et le " Pop Art ", quoique les références
à Warhol puissent laisser supposer. En ce sens, le camouflage
est moins une " représentation " ironique des tableaux en eux-mêmes,
moins un moyen de garantir à l'œuvre une pertinence critique
contemporaine, qu'une façon de démontrer, en tant que signe,
dans quelles conditions une chose apparaît dans le champ de
vision. Par cette série de dispositifs d'encadrement et de trames
chromatiques, méticuleusement maniés, et par la manipulation
réflexive et l'orchestration des effets de surface, les tableaux
semblent manœuvrer tel un prestidigitateur muni d'un jeu de
cartes. Le camouflage place au premier plan le centre des tableaux
comme s'il était source d'énigmes, comme si une chose se retirait
et se dissimulait d'autant plus qu'elle ne se montrait et se
révélait. Cette série nous laisse pressentir que nous pourrions
commencer à percevoir ce que les tableaux nous cachent, par
leur ostentation même. Plus ils apparaissent évidents et plus
ils semblent dissimuler quelque chose sous ou au sein même de
leur surface. Et c'est en ce sens que la série tente moins de
transformer la peinture en une représentation ironique et parodique
d'elle-même, par l'utilisation du camouflage comme citation,
qu'un moyen de démontrer l'auto-exposition de l'œuvre à ce qui
paraît toujours l' " ailleurs" de la peinture. Autrement dit,
le camouflage révèle quelque chose qui n'est pas simplement
ajouté à la peinture, un signe ou une source superflue par laquelle
l'œuvre trouverait et signalerait désormais un certain degré
de pertinence critique ; au contraire, il révèle le centre de
cette série de tableaux comme une opacité ou une absence, comme
la source et l'origine de la différence spécifique de l'œuvre
qu'il expose et révèle simultanément, comme une invisibilité
qui tel un charme, reste étrangement et magiquement visible
sous nos yeux.
C'est à ce stade que l'autre référence
au Pop Art et à la culture de masse gagne progressivement le
premier plan et se révèle également à travers et au sein même
de cette série de tableaux. De l'incessante dissimulation de
ce que les tableaux semblent représenter, du retrait de ce qu'ils
semblent exposer à l'observateur, du caractère énigmatique avec
lequel une chose tissée apparaît à travers l'entrelacement des
infiltrations de couleurs, ou encore de l'apparente émergence
d'une chose du dessous ou de l'intérieur de la surface des tableaux,
ou bien même au travers des espaces vides créés par les trames,
ou enfin par la révélation d'une série d'empreintes progressivement
identifiables par les pochoirs répétitifs...plus ces tableaux
révèlent ce qu'ils dissimulent et plus l'observateur se retrouve
face à l'empreinte et à l'image répétitive des contours de la
tête de Mickey Mouse ou seulement de certaines parties identifiables.
Autrement dit, plus nous commençons à identifier les traits,
le pochoir, la silhouette et les fragments de Mickey Mouse dans
toute cette série de tableaux et plus nous percevons la manipulation
fortement marquée des éléments abstraits, qui furent assemblés
pour tromper l'observateur et le mener dans un piège magique,
fascinant et étrange. En fait, après ces premières identifications
et reconnaissances, nous réalisons à présent que le célèbre
personnage de Disney émerge sous de nombreux aspects et ce dans
un champ de signes abstraits, nous forçant à retourner sur nos
pas, sur chaque tableau, nous incitant à localiser et à identifier
d'autres références relatives à cette icône fragmentée, insérée
dans le jeu abstrait des effets de surface, nous taquinant à
nouveau sur les indices qui pourraient nous avoir échappés alors
qu'ils étaient juste sous nos yeux.
Evidemment, rien ne pouvait être
plus caractéristique d'une référence à la culture de masse que
Mickey Mouse, le plus prestigieux et le plus connu des personnages
dans l'illustre histoire de Disney. Pouvions-nous imaginer meilleur
représentant de la culture populaire, source plus éminente et
symbole plus prestigieux du Pop Art dans son ensemble. Bien
sûr, Warhol lui-même a mentionné et joué avec l'image de Mickey
dans plusieurs de ses œuvres, tout comme il a mentionné Marilyn
et joué avec Coca Cola. En fait, tant d'artistes ont maintenant
retravaillé la silhouette de Mickey depuis sa création, que
des livres furent publiés sur son influence en art contemporain.
La reconnaissance de cette silhouette dans cette série de tableaux
corroborerait alors l'argument selon lequel la peinture abstraite
contemporaine ferait référence à la culture de masse afin de
se retrouver exposée, ou d'exposer en elle-même, une chose radicalement
différente de la pureté austère de la peinture " moderniste
" abstraite. Mickey est donc le signe de la différence au sein
d'un champ de signes abstraits, une sorte de métaphore de l'autre
dans l'histoire des styles abstraits, une allégorie de l'épuisement
du " modernisme " mais aussi de son kitsch radical, apparemment
réprimé par la confiance téléologique qu'il se porte et ses
ambitions héroïques. Autrement dit, Mickey peut apparaître ici
soit comme une métaphore, un symbole, une allégorie, une image
soit comme le refus de distinguer le fonctionnement spécifique
de cette icône dans le champ visuel, ou encore son insertion
comme prétexte au sein des éléments les plus abstraits de l'œuvre.
Ces questions semblent moins pertinentes que celles liées à
sa capacité à déplacer, de façon explicite et provoquante, la
" pureté " ostentatoire, la réduction et le formalisme de la
peinture " moderniste " abstraite. Le " Modernisme " s'achève,
sans éclat ni complainte, mais plutôt grâce à une sorte de pochoir
enfantin d'un Mickey, ironique et gesticulant de manière facétieuse,
s'efforçant de voir à travers la répétition toute aussi facétieuse
et auto-référentielle de la trame, cette figure la plus emblématique
du modernisme.
Pourtant, tout comme l'utilisation
du camouflage, l'image de Mickey peut être sujette à un certain
nombre d'interprétations. Suivant l'exemple de Warhol, on peut
supposer que l'icône figure une opposition nette et explicite
à l' " abstraction moderniste ", un moyen de garantir à l'abstraction
contemporaine un degré de pertinence critique et d'éloigner
ainsi la peinture d'une focalisation exclusive sur la spécificité
et la " vue réductrice " de son médium. Parallèlement, Mickey
peut davantage être perçu comme un prétexte permettant de repenser
l'identité de la peinture en soi plutôt que comme la simple
addition d'un signe superflu à d'autres signes pré-existants
et tout aussi reconnaissables de l'abstraction. La spécificité
de son emplacement à travers les différents tableaux, impose
la reconnaissance du mode d'expression et d'apparition des choses.
En fait, l'attention particulière accordée aux inscriptions
différenciées et hautement spécifiques de cette silhouette à
travers la surface des tableaux, paraît plus importante et plus
pertinente que son rôle plus explicite d'image principale ou
de symbole de la culture populaire. Aussi attentifs à la fragmentation
de l'icône dans chacun des tableaux que dans la série entière,
conscients à présent de notre capacité à " reconnaître " et
à " identifier " cette silhouette presque instantanément à l'aide
d'une seule partie de son corps et attentifs encore aux différentes
subtilités des effets de surface et des empreintes du pochoir,
nous pourrions commencer, en suivant la logique de la perception
de toute la théorie psychologique du gestaltisme et en fonction
de la familiarité générale et de l'omniprésence de l'image de
Disney, à saisir le fonctionnement de cette reconnaissance et
de cette identification instantanées des fragments et des silhouettes
de ce personnage.
Il est donc significatif que l'artiste
ait spécifiquement rappelé que l'origine de l'image était moins
une référence au Pop Art, à Warhol ou encore une vague indication
de la culture populaire en générale, qu'une affiche publicitaire
à l'entrée de l'Eurostar, gare Waterloo à Londres. Sur cette
gigantesque publicité surplombant l'entrée, un fragment de Mickey
Mouse (un œil et une oreille familièrement modelée) semble scruter
l'extérieur de l'affiche, l'œil et l'iris doublant de volume
et représentant le tunnel par lequel les passagers traverseront
la Manche en direction de la terre promise, Eurodisney. Suivant
la logique de toute l'imagerie du gestaltisme, la simplicité
formelle et l'économie des ellipses concentriques composant
la tête, l'oreille, l'extérieur de l'œil, l'iris et le reflet
de lumière sphérique, supposent que la fragmentation métonymique
de l'image soit immédiatement reconnue comme non seulement une
partie du " tout " imaginaire de Mickey, mais aussi comme étant
capable parallèlement de redoubler une image abrégée du tunnel
de l'Eurostar lui-même. La reconnaissance et l'identification
du gestaltisme semblent fonctionner comme le jeu de mots joint
à l'image sur l'affiche . La légende est : " The magic is closer
than you think... ", (" La magie est plus proche que vous ne
le pensez ... "). On pourrait alors supposer que l'intérêt de
l'artiste, dans cette manipulation autrement banale et dans
cette promotion d'effets, est moins la popularité de l'icône
de Mickey dans la culture consumériste ou le produit de la globalisation
du capital et de son hégémonie culturelle, (ce qui ne serait
guère une découverte), que les problèmes de perception des identités
incarnées par l'image, l'appui évident sur la reconnaissance
requise du gestaltisme par l'observateur, et surtout, la reconnaissance
et l'identification du gestaltisme imposée par le problème de
la relation existante entre la forme peinte de l'icône fragmentée
et celle de l'affiche entière sur laquelle il apparaît. En somme,
ces informations d'arrière-plan nous fournissent moins la source,
le sens originel ou la signification culturelle de Mickey dans
cette série de tableaux, qu'un moyen de signaler à l'observateur
le positionnement spécifique de la silhouette ou son inscription
soigneusement dissimulée dans un champ d'éléments formels et
abstraits. Bref, il se peut que ces informations d'arrière-plan
dirigent notre attention sur les spécificités des tableaux à
être moins des images ironiques et parodiques de la peinture,
qu'un assemblage " formel " d'effets de surface disparates qui
donnent à voir le procès de leur réalisation.
Bien évidemment, ce problème de perception
et d'identification peut recevoir différentes interprétations.
L'artiste a lui-même rappelé comment l'attention portée, par
certains artistes minimalistes comme Robert Morris, aux lectures
du gestaltisme, se trouvait être curieusement complice de récentes
tendances en publicité et de leurs stratégies visuelles utilisées
dans les images promotionnelles. Utilisant Mickey comme " prétexte
", Tristan Trémeau a, dans un récent catalogue, affirmé de façon
claire et provoquante que cette série fonctionnait non seulement
comme une critique du minimalisme mais également comme une critique
de l'histoire de la peinture. Dans une analyse critique plus
large, l'utilisation de Mickey dans cette série semble ainsi
osciller entre une certaine forme de politique culturelle et
une sorte de phénoménologie " naïve ", entre des références
concernant l'exploitation commerciale et celle de la théorie
psychologique du gestaltisme, entre l'exploration des différences
critiques et une analyse de l'implication du spectateur, établissant
non seulement le sens de l'œuvre mais aussi sa construction
sous nos yeux. En somme, si cette série de tableaux tente de
se placer au-dessus des termes déjà établis par Warhol dans
ces dernières œuvres " abstraites ", alors elle s'articule autour
d'un certain nombre de possibilités critiques dont les termes
et les critères requièrent des arguments et une élaboration
critique.
Au lieu d'isoler les possibilités
et les problèmes soulevés par ces œuvres, nous pourrions procéder
à quelques observations finales. Tout d'abord, si les dettes
envers les œuvres " abstraites " de Warhol suggèrent que le
camouflage et l'image de Mickey sont lus comme des signes appartenant
à une étude plus large de signes " abstraits ", alors ces œuvres
s'offriront toujours comme de simples images de tableaux. Ainsi,
exhibées comme telles, un certain nombre de narrations critiques
deviennent alors possibles, la plupart éclairant l'étendue de
la culture contemporaine, elle-même devenue rien de plus que
la circulation omniprésente des signes, des images, des simulacres
et du spectacle. C'est en ce sens que le fonctionnement des
tableaux par la juxtaposition, dans un cadre commun, de signes
apparemment disparates, s'effacent comme tableaux afin d'être
partie intégrante, au lieu d'être critique, de cette série d'images
circulant indéfiniment. Ils deviennent images de l'image du
tableau. Leur effet proviendra de la reconnaissance et de l'identification
de ces signes conflictuels, d'une conscience de l'accumulation
de leurs références culturelles et sociales et d'une revendication
subséquente en faveur/ de leur pertinence critique. La force
de cet effet, ou la possibilité de la mesurer, provient de l'apparente
irréductibilité de l'œuvre aux notions " modernistes " de réduction
et de " pureté ".
En d'autres termes, cette série semble
dévoiler la revendication visuelle selon laquelle l'image de
Mickey indiquerait les façons dont l'œuvre représenterait toujours
plus qu'elle n'en a l'air, toujours plus que le " simple " tableau
qu'elle est, toujours au-delà d'elle-même. Cette " différence
" par l'excès expliquerait non seulement la " nature " et la
stratégie de l'œuvre mais aussi sa façon de surmonter, de reconnaître,
d'étaler et de démontrer, la contingence de la peinture, ses
futurs possibles après les dernières œuvres abstraites de Warhol
et l'héritage du Pop Art.
Ces quelques pages ont également
essayé de suggérer que l'attention accordée à la réalisation
spécifique des tableaux, à la création des effets de surface,
à leur mode d'apparition et à leurs articulations " formelles
" qui se laissent découvrir, pose un certain nombre de questions
plus complexes concernant la " peinture " et l' " abstraction
". Autrement dit, une lecture attentive de l'œuvre induit une
perception de la " peinture " qui ne peut se limiter aujourd'hui
ni au renouveau des revendications en faveur de l'abstraction
ni à une quelconque tentative de réduire les interpellations
du médium de la peinture à une juxtaposition de signes chargés
d'implications " expressives " et métaphoriques. Si l'œuvre
démontre son exposition à ce qui est toujours l' " ailleurs
" de la peinture, alors la différence produite par le tableau
ne transparaît jamais par l'addition et l'accumulation de signes
culturels, de métaphores ou de symboles dont la reconnaissance
et l'identification permettraient à la peinture d'être différente
de ce qu'elle était. Elle peut être " reconnue " différente
et prétendre se positionner au-dessus des termes du " modernisme
", mais elle n'est pas en soi et pour soi " différente ". La
simple accumulation et juxtaposition de signes abstraits et
de références à la culture de masse ne changent rien d' " essentiel
" à l' " essence " de la peinture, à sa réduction, sa " pureté
" ou son identité. Ces références seront toujours des " signes
" ou des degrés de différence plus qu'un questionnement " essentiel
" de la différence fondamentale de la peinture comme un " médium
" en rapport avec son altérité. (Que le concept de " médium
" puisse encore nourrir ces questions reste en amont de ce travail
plus qu'il n'est subsumé par lui).
La lecture ici élaborée tente de
suggérer qu'une attention particulière accordée aux articulations
" formelles " de cette série de tableaux, révèle que chacun
d'entre eux manque toujours de quelque chose, s'exposant toujours
à une invisibilité qui est la condition même de la visibilité
de l'œuvre, toujours en manque plus qu'en excès. Comme en matière
de " magie " et de sortilèges, une chose se cache et se dissimule
toujours au sein même de l'exposition et de la révélation de
cette œuvre. En effet, elle n'est pas une simple accumulation
de signes mais le témoin d'une absence, condition même de leur
existence en tant que " tableaux ". Parallèlement, ce qui "
manque " dans cette série de tableaux, est moins une absence
que l'observateur comble par les reconnaissances et les identifications
du gestaltisme que la désignation, par ce manque, d'une incomplétude
plus " essentielle " de l'œuvre. En fait, ce sont précisément
les différentes empreintes et silhouettes de Mickey qui montrent
de manière symptomatique l'incomplétude essentielle de cette
série, son manque d'identité. La répétition fragmentée de cette
icône révèle plus des tableaux en quête de " substance ", qu'une
image ou qu'un moyen par lequel la silhouette de Mickey s'achèverait
ou atteindrait une intégralité. Ces tableaux s'exposent à une
quête incessante de " sujet " (de ou pour la peinture), des
moyens de continuer à peindre "après" Warhol. Ainsi l'œuvre
met en évidence les subtilités "formelles" d'un "pré-texte"
servant à peindre Mickey, et expose les tableaux à leur propre
manque de sujet, et comme absence de sujet. Ce manque serait
donc également une dimension de leur résistance à la reconnaissance
et à l'appréhension gestaltiste, une résistance à tout moyen
d'enfermer leurs résolutions imaginaires comme images identifiables
de la peinture. L'œuvre montre "formellement" les ressources
qui déplacent continuellement les tableaux en de simples images
d'eux-mêmes. En fait, c'est cette résistance qui constitue l'incomplétude
" essentielle " de l'œuvre en tant que tableaux. Et c'est en
ce sens enfin, que l'œuvre ne fait pas face à sa contingence
historique ; sa résistance et son incomplétude commencent plutôt
à constituer une dimension de l'histoire qu'elle désire à la
fois assumer comme condition de son avenir mais aussi remettre
en question. Concernant cet avenir, il est bien évident qu'il
n'existe pas d'image préconçue de la peinture, pas de futur
où nous connaîtrions préalablement le passé et la différence
des tableaux.
Traduction par Lydia Rapoport. |