À l'heure où
il est question de vitalité de la scène artistique britannique,
particulièrement sur son versant pictural, il est intéressant
de se pencher sur la singularité de l'œuvre de Mick Finch, artiste
vivant à Senlis et enseignant à Canterbury. La galerie Art &
Patrimoine, après Le Carré à Lille au printemps, présente son
dernier ensemble de tableaux intitulé Closer Than You Think,
par lequel l'artiste s'inscrit résolument dans une investigation
critique et historique des termes de la modernité et de la postmodernité
en peinture.
Ses grands formats articulent des
éléments iconographiques autant que formels empruntés aux mass
media et à l'abstraction dans les registres hétérogènes de la
"belle forme" (on songe à Newman pour les découpes verticales
du plan) et de l'informe (le camouflage). Le contour de Mickey,
motif récurrent de la série, répété en surface comme une grille
décorative, est enfoui sous la charge de peinture dégouttée
ou fragmenté en éléments signifiants telles la prunelle ou les
oreilles. Chaque tableau offre un aperçu des stratégies mises
en œuvre, jouant des contradictions entre visibilité et invisibilité
du motif. Lorsque le Mickey sature l'espace tel un patchwork
(Evolution MM1), sa forme ne devient éloquente qu'inscrite en
creux sur la bande orange qui chevauche le fond. Dans les Treillis
nous assistons à sa perte sensible tandis que s'imposent les
taches dansantes du camouflage qui empêchent toute résolution
définitive en matière de reconnaissance et de complétude de
l'image et du tableau.
Cette exposition montre que Mick
Finch se situe à la fois après l'histoire puisqu'il ne cesse
d'user de prétextes - qui ne peuvent cependant se confondre
avec un pré-texte moderniste dans lequel il suffirait de puiser
une gamme de gestes acquis, à l'instar des néo-géo ou de ses
compatriotes Rae et Begg -, et dans l'histoire ouverte de sa
propre peinture. Comme l'écrit Philip Armstrong, si
"l'œuvre
ne fait pas face à sa contingence historique ; sa résistance
et son incomplétude commencent plutôt à constituer une dimension
de l'histoire qu'elle désire à la fois assumer comme condition
et mise en question de son avenir".
Cette stratégie du devenir que l'on
devine à l'œuvre dans ces tableaux doit beaucoup aux propres
écrits critiques de Finch qui montrent un intérêt pour les peintures
de Rouan ou de Bonnefoi couplé à la nécessité d'une approche
conceptuelle et politique de notre contemporanéité héritée d'Art
& Language, ce qui le rend unique dans le paysage artistique
anglais et le promet à un dialogue fécond avec la pensée et
la pratique du tableau toujours vivace en France.
Tristan Trémeau |